Very Long Trip

Après trois mois dans le Top-End, il est grand temps de changer de paysages et d’inspirations. On a repéré sur internet un centre d’art aborigène, un grain de sable parmi les grains du désert. Nous voilà donc sur le point d’embarquer pour un mois de volontariat hautement artistique à Yuendumu, au cœur de l’Australie, à 300 km d’Alice Springs (la ville la plus proche).

DARWIN (H+0)

Pour parcourir les 1 500 km qui séparent Darwin d’Alice Springs, les choix sont limités. Un train de luxe à 950 € pour contempler pendant 2 jours les variations du soleil sur les roches ? L’avion ? Du stop le long de la seule route qui descend plein sud ? On imagine déjà le conducteur nous apercevant sur le bord du macadam en train de calculer les centaines de kilomètres restants, la surconsommation d’essence et les réserves d’eau supplémentaire à prévoir. Faut dire que les traces de civilisation entre Darwin et Alice Springs sont rares et le moindre problème peut devenir compliqué. On a donc retenu l’option 4 : le bus. Et c’est la compagnie Greyhound – lévrier en français – qui assure ce trajet long distance de 21h. Pour la rapidité légendaire du chien, on repassera…

DÉPART DE DARWIN (H+1)

Dans ce bus d’une quarantaine de place, nous serons 9 clampins à tenter l’aventure nocturne, entre dodos, repas de salade de haricots et pauses-ravitaillement aux quelques stations-services du chemin, les phares de l’outback. On balance nos sacs dans la soute et on prend nos aises pour s’endormir. Trajet sans pépin : le sommeil était au rendez-vous, les pauses-pipi réglementaires ont été respectées, la valses des chauffeurs ne nous a pas alarmés. Et voilà déjà que se dessinent les premiers rayons du soleil, laissant apparaître ce qui sera désormais notre nouvelle maison : le désert !


Cours Forest, cours ! Le bus s’arrête à une station-service où j’en profite pour jeter un œil à la bouffe locale. Le chauffeur maugréé « pause de 45 min » ente deux baragouinages mais dix minutes plus tard, le bus redémarre sans explication. L’angoisse. Le chauffeur m’a oublié. Et Mathilde qui dort dans le bus ne pourra pas l’alerter. Je garde mon sang froid. J’ai dit au chauffeur que j’allais à Alice Springs. Pas de panique. Mais quand une demie heure plus tard le bus ne revient toujours pas, les scénarii les plus alambiqués s’enchaînent dans ma tête. Je décide donc d’aller à la recherche du bus dans le patelin d’à côté, à un bon kilomètre d’ici. Quasiment arrivé, je vois alors le bus surgir de nulle part et retourner à la station essence. Idiot ! Il était juste allé faire un petit contrôle technique de mi-parcours. Me voilà donc en train de sprinter pour retourner en arrière rejoindre le bus qui s’apprêtait cette fois à vraiment reprendre la route. De l’art de transformer une simple pause en grand moment de solitude…



ARRIVÉE A ALICE SPRINGS (H+21)

Le bus nous dépose enfin à Alice Springs, en plein marché du dimanche. On est sensé y retrouver un membre du staff du centre d’art de Yuendumu, notre destination finale. Mais voilà, il n’y a personne. La seule info en notre possession, c’est ce numéro de téléphone obtenu après une succession ubuesque de mails durant les semaines précédentes. Première tentative d’appel, pas de réponse. Les deux suivantes, pas mieux. On se contente donc d’un texto en espérant être rappelé promptement. Wait and see comme on dit. Mais rien ne se passe alors on réserve une chambre à l’auberge de jeunesse pour passer la nuit.

ALICE SPRINGS, BEANIE FESTIVAL (H+ 23)

Pour l’après-midi, on a repéré un festival de bonnets pas loin. Mickael, un volontaire de l’auberge, assure le transport gratuitement jusqu’au lieu-dit en navette. On apprend que tout est parti d’un projet associatif en 1997 pour aider les femmes aborigènes de communautés isolées. En leur apprenant à crocheter et à fabriquer des bonnets, elles pouvaient espérer les vendre et obtenir un peu d’argent. Et quoi de mieux qu’un bon bonnet en laine pour apprécier les longues soirées d’hiver bien fraîches ?

Quand on pénètre dans la salle principale, difficile de retenir cet énorme sourire qui s’affiche immédiatement sur nos visages. Des bonnets, partout. Des grands, des petits, des simples, des délirants. Le public aussi est varié. Pas de limite d’âge pour porter des bonnets. Alors c’est parti pour une séance d’essayage des plus folkloriques : un bonnet pieuvre, un chapeau rasta, du rose, du bleu, du jaune, des carrés, des troués et des bouts de laines dans tous les sens.

ALICE SPRINGS, COURS DE CROCHET (H+24)

Au milieu de toute cette effervescence on remarque un petit cours de crochet qui débute. Toujours pas de nouvelle de notre supposé contact, alors on en profite. Nous voilà donc avec un crochet dans une main et une pelote dans l’autre à tenter de démêler les mailles du fil. Entre deux explications, notre coach d’une heure venue tout droit d’Adélaide (sur la côte sud de l’Australie), nous raconte qu’elle profite de l’hiver pour poser ses valises chez sa fille, dans le désert, et que grâce à son statut de retraitée et d’experte en crochet, elle est venue apporter sa contribution à cet extravagant festival.

ALICE SPRINGS, APRÈS-MIDI ARROSÉE (H+25)

Le temps passe et on reçoit finalement une réponse de Fiona, notre contact ! « Vous aimez la vodka ? » Ce qui signifie qu’elle nous propose de venir la rejoindre chez des amis avant de rentrer à Yuendumu. Intéressant… On quitte notre cours de crochet et notre coach à contre cœur. Reste tout de même un détail à régler : la nuit réservée en auberge… Ces pauvres 55$ semblent perdus d’avance mais après avoir expliqué la situation au gérant, il nous rembourse et se permet même de nous appeler le taxi pour rejoindre ce qui devait être un simple pot entre copains.

Rapidement, on comprend que la demi-douzaine d’invités présents est légèrement éméchée et que si on veut sympathiser comme il se doit, pas le choix que de faire comme eux à grandes gorgées de vodka-coca. Bon, il ne faut pas s’imaginer non plus une débauche absolue, on est quand même entre grandes personnes. Chaleur, convivialité et franches rigolades restent les maîtres mots de cet après-midi qui s’étalera finalement jusqu’à 20h.

DÉPART D’ALICE SPRINGS (H+30)

On commençait à s’interroger sur la capacité de Fiona à nous conduire 300 bornes plus loin quand arrivent deux autres membres du staff du centre d’art, Julia et Erin. Soulagés et rassurés, on s’installe à l’arrière de la jeep qui a vécu plusieurs guerres, au milieu des bagages, des couvertures et des chiens. On the road again!

Du trajet on ne verra pas grand-chose. La nuit est tombée rapidement et ce n’est pas sur ce genre de route 100% outback qu’on va trouver de l’éclairage public. Notre avancée nocturne est également rythmée par des graviers, bosses, fossés et autres joyeusetés. On est ballotté à l’arrière comme des sacs de patates, ce qui ne nous empêche pas d’entamer des bribes de conversation avec nos nouveaux compagnons de voyage.

SOMEWHERE… (H+32)

On pensait se diriger durement mais sûrement vers le point final d’une journée bien chargée commencée il y a plus de 30 heures, quand un PAF des moins rassurants brise le vrombissement monotone du moteur et vient perturber l’infatigable Manu Chao que crachotait la radio. Cerise sur le gâteau de cette entrée en matière : un pneu crevé, en plein milieu de la nuit et du bush.

Tout le monde sort de la voiture et, avant même qu’on se soit remis de nos émotions, la troupe se met en action. L’australien est actif, débrouillard et valeureux. Il ne se laisse jamais abattre, au risque de ne pas faire long feu. Feu que Fiona allume sur le bas-côté de la route, pour nous réchauffer et nous rendre visible à d’autres improbables voyageurs tardifs. Puis on enfile les frontales et on examine la situation d’un peu plus près. Plus que crevé, le pneu a littéralement explosé.

On sort le cric et la roue de secours, pour la deuxième fois en un mois… Mais on réalise vite que le cric est trop petit, et qu’il est impossible de surélever suffisamment le 4×4 pour faire le remplacement. Réunion de crise sous les étoiles, et après avoir inspecté le dessous de la voiture pour chercher un meilleur point d’ancrage, on décide d’utiliser l’ancien pneu (du moins ce qu’il en reste) comme support d’appui. C’est limite, ça chancelle, ça hésite, mais ça passe. Après plus d’une heure d’obstination, on se high five pour notre victoire de mécanos en herbe. On éteint le feu ; le mystère et l’envoûtement des lieux s’estompent ; on est reparti.

ARRIVÉE A YUENDUMU (H+35)

On débarque finalement à 2h du matin à Yuendumu, dans le logement dédié aux volontaires. On n’y voit pas grand-chose, on est fatigué et on s’écroule immédiatement sur notre matelas pour un dodo bien mérité. Demain est un autre jour, un autre voyage.

Un commentaire Ajoutez le votre

  1. Mom dit :

    Contente de vous relire c’est toujours haletant et en plus nous savons que ça finit bien…(maman est rassurée)

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